Après une longue période sans « Type R », l’année 2017 aura été particulièrement riche de ce côté-ci avec tout simplement deux Honda Civic Type R à l’essai ! Il faut dire que la première n’était pas au planning de développement et qu’elle arriva donc avec beaucoup de retard dans la vie du véhicule, avec aussi beaucoup de difficultés, autant de qualités mais aussi pas mal de défauts par rapport à ce qu’elle aurait pu être.
La nouvelle, en revanche, est sortie deux ans plus tard et pour ainsi dire en même temps que sa déclinaison sage et – bonne nouvelle – elle était prévue dès le départ au planning ! Bon, au vu de la concordance des dates de sortie, c’était évident mais cela a son importance puisque cela signifie que le cahier des charges bien spécifique consistant à développer une sportive a été pris en charge dès le début du projet.
Alors voilà l’essai de la nouvelle Honda Civic Type R, reprenant plein de bonnes choses de la précédente version et tentant de corriger tout qui pouvait l’être pour en faire la référence du segment. Elle est désormais forte de 320 chevaux sur le train avant, capable de claquer un dément 7’43″8 sur le Nürburgring et toujours aussi délirante et délurée d’un point de vue esthétique.
Le style, parlons-en tout de suite. Je… je ne sais pas si je pourrais assumer au quotidien, même si ce bleu est superbe. Une robe noire serait assurément plus vivable au quotidien, sûrement tout à fait gérable même. C’est en tout cas vrai pour la face avant de la Civic Type R qui reprend le style déjà dynamique de la berline standard Civic et l’exacerbe avec force, la marque annonçant par ailleurs que oui, ce package aéro est fonctionnel et génère effectivement de l’appui.
Le splitter avant est généreux, lippu, travaillé sur les bords pour conduire le flux sur les bords de roue. Certaines prises d’air restent factices quand d’autres servent à refroidir les freins. Le museau est quand à lui agressif, un rien compliqué aussi avec une toute petite calandre surmontée d’une petite grille, elle-même surmontée d’un capot qui bombe des arches et se dote d’une belle prise d’air centrale.
J’ai croisé beaucoup de Honda Civic lors de mon roadtrip américain de septembre et j’aime à dire vrai assez le style mêlant dynamisme et praticité de cette nouvelle version. L’empattement a sensiblement augmenté, tout comme la voie pour cette version bodybuildée, générant des proportions plus vivables pour les occupants mais également plus équilibrées d’un point de vue extérieur.
La face avant bénéficie de tout cela pour offrir un museau plongeant mais pas trop, souligné par un regard assez classique au regard de ce que peuvent faire d’autres constructeurs. La signature lumineuse existe mais ce n’est pas le principal souci de Honda qui sur sa Civic Type R se concentre sur l’aspect brutalement sportif de la face avant pour être reconnaissable entre mille. C’est… réussi, que l’on aime ou pas !
En un mot : « méchante ». Elle a l’air méchante, cherchant à bouffer le bitume avec cette lame de rouge et noir que l’on retrouve sur les flancs, autour de roues chaussées des derniers ContiSportContact 6 développés spécifiquement pour elle. Les bâtons de noir vêtus tranchent avec le rouge des étriers fixes fournis par Brembo et toujours avec le liseré rouge qui ceinture le flanc de pneu. Mention moins bien pour l’étrier arrière, dont la chape reste brute de fonte.
Tout cela est un brin voyant sur la robe bleue, alors imaginez là en noir. Je n’aime pas les voitures noires, mais là, je crois qu’il y a un truc avec ce mélange rouge / noir qui lui ira sûrement à merveille. Même constat du côté des bas de caisse en noir carbone surlignés de rouge ! C’est tellement voyant, surtout avec ce décroché en amont de l’essieu arrière. Était-ce bien nécessaire d’un point de vue aérodynamique ? Il paraît que oui.
Vous l’aurez compris : j’adhère assez largement à la face avant et au profil de cette nouvelle Honda Civic Type R. En revanche, pour ce qui est de la poupe, j’ai un peu plus de mal et vraiment, j’insiste, sauf si vous êtes à 800% dans la gestion d’image assumée, prenez la noire ! L’arrière est torturé, à la fois de manière très agréable et complètement délirante, c’est si perturbant.
D’un côté, un aileron massif, agréablement travaillé. De l’autre, une triple sortie d’échappement qui n’a aucun sens si ce n’est d’avoir une fonction de réduction du bourdonnement. C’est pour ce qui me concerne plutôt laid de ce point de vue alors que j’aime vraiment bien le travail aéro réalisé sur l’aileron et ses divers confrères situés sur le toit, ainsi que cette vue de 4/5 arrière qui permet d’apprécier à la fois le caractère torturé de la bête et… son caractère torturé.
D’aucuns diront qu’elle est laide. D’autres l’adoreront. Elle est complètement clivante et les réactions extérieures qui m’ont assaillies en très grand nombre (vraiment !) durant ce weekend d’essai en sont le parfait reflet. Voici quelques exemples en pagaille…
D’un côté, une gamine qui lève les deux pouces et me lance un « elle est parfaite ! ». De l’autre, un gars qui m’interpelle amicalement depuis sa voiture et me demande « c’est d’origine, tout ça ? ». Réaction suite à l’affirmative de ma part : « Ah ouaiiiiiis… » … jusqu’au « Mais qu’est-ce que c’est que ça ? » ou encore « T’as vu le niveau de préparation ? », mais aussi « Ce monstre, elle est géniale !!! ».
Pas de gris, pas de blanc, de la passion en tout cas, à chaque fois, qu’elle soit positive ou négative. Face à la future Mégane R.S. très consensuelle dans son approche stylistique (j’attends de la voir en vrai pour me rendre compte de ses muscles), la nouvelle Honda Civic Type R assume complètement son look déluré, complexe et torturé. On me dit dans le dossier de presse que le style sert la fonction.
Malgré mon expérience de la précédente Type R, déjà sacrément délurée à l’extérieur, quand je lis ça, je vous avoue que je pense d’abord à McLaren. L’approche de Honda est nettement plus sauvage mais il y a forcément un monde entre concevoir une supercar et transformer une berline tout à fait classique en une monstre de rapidité. Parce que oui, ça va vite, putain de vite.
Avant d’allumer le pétard, passage rapide dans l’habitacle ! Honda applique la même recette qu’à l’extérieur : pérenniser les bonnes choses, améliorer tout ce qui pouvait l’être dès le début du projet. On retrouve ainsi d’excellents (et confortables !) baquets, un volant aux petits oignons et sans méplat trop prononcé et le fameux petit levier au pommeau alu tout rond tout beau qui tombe si bien sous la main.
La base est là, c’est sur le reste qu’a travaillé avec succès le constructeur japonais. Le bouton +R a bougé, prenant une place centrale nettement plus ergonomique. Les compteurs ne sont désormais plus sous une drôle de triple voûte tandis que les commandes au volant sont plus discrètes, plus ergonomiques aussi. L’écran central est très nettement plus réactif et est désormais compatibles CarPlay par exemple.
Les commandes restent par endroits assez étranges et drôlement conçues, notamment pour la partie applications. Il y a encore du progrès à parcourir ! D’un côté les modes s’affichent joliment, passant de Confort à Sport à +R, tout cela à côté d’une antédiluvienne tige servant à remettre à zéro le compteur kilométrique.
Je taquine mais au global, il faut retenir que cette Honda Civic Type R est très bien équipée pour son tarif, offrant un régulateur adaptatif, l’assistance au maintien en ligne, la détection de collision, une connectique très complète, des caméras très utiles au vu des protubérances de l’auto et une plage de réglages très complète.
En somme, si l’ancienne Type R accusait fortement son âge, la nouvelle remet le pied à l’étrier et se hisse sans complexes au niveau de la concurrence sur cette gamme de prix, avec une jolie foule de détails ergonomiques bien pensés, que ce soit du côté du vide poches sous la console centrale ou de celui-ci de l’accoudoir aux rangements glissants bien pensés.
Brap. Brap. Brap. Démarrage. Le quatre cylindres de 2 litres s’éveille dans une relative discrétion, cachant comme auparavant sa nature. Il sort pourtant 10 chevaux de plus (320 donc) et un total de 400 Nm de couple, une somme plus que raisonnable pour une simple traction. D’aucuns seraient déjà passés à une transmission intégrale, ce n’est pas le cas de Honda qui reconduit les bons éléments de la neuvième génération de la Civic Type R.
Si le moteur n’a donc que peu évolué, il n’en demeure pas moins plus réactif et vif. Il s’échappe plus fort avec une puissance maximale à 6500 tr/min et une zone rouge qui s’amorce à 7000 tr/min, avec peu d’inertie à la redescente. En mode +R, il gronde et siffle, faisant nettement entendre son turbo qui aspire l’air à plein tubes. Un supplément de force en haut des tours ? Sensible, oui. Dans l’ensemble, ce bloc me fait penser au défunt bloc de l’ancienne MRS, ce qui n’est pas une critique, avec un gros zeste de rage en sus.
Côté boîte, c’est là-aussi un carry-over avec quelques améliorations sensibles. Le guidage m’a semblé meilleur, les verrouillages et la course étant dans le haut du panier. Cette boîte est toujours l’une des meilleures du marché, en compagnie d’un embrayage surprenamment vivable au quotidien. Il y a une pointe de douceur dans cette nouvelle Civic Type R, quelle surprise !
En usage quotidien, tranquille, dynamique ou autoroutier, une chose me frappe alors que mon essai de la précédente n’est pas si lointain : les modes de conduite. Ils méritent enfin cette appellation et sont désormais trois, bien distincts et surtout bien calibrés.
Le mode Confort porte bien son nom. Si la suspension, pilotée, reste assez ferme, elle absorbe très bien les chocs et imperfections, ce que ne faisait pas du tout l’ancienne ! En somme, la Honda Civic Type R se montre plutôt prévenante sur les routes dégradées si l’on décide de les aborder tranquillement. C’est un vrai point positif qui pourrait rendre pour certains sa robe si délurée d’autant plus étrange qu’elle se montre polyvalente pour un usage routier.
Le mode Sport – le réglage de base – est très joliment construit. L’échappement sonne un peu plus, la direction est un rien plus vive et la réponse du moteur un poil plus pointue. La suspension se montre plus ferme mais sans trop en faire. C’est le mode pour le roulage de tous les jours, avec cette pointe de piment qui permet de s’échapper si facilement d’un triste quotidien automobile.
Il manquait à l’ancienne Civic Type R un zeste de compromis, au même titre que la Focus RS par exemple. Les ingénieurs de la marque ont entendu les critiques et ont fait le job. L’adjonction de ce mode supplémentaire, « standard », est un parfait compromis entre le nécessaire filtrage de la route pour un confort réel et une connexion encore plus franche avec le bitume. Vraiment, chapeau, c’est ce qu’il manquait à l’ancienne version !
Reste le mode +R … Sur l’ancienne Type R, il était tout simplement inexploitable sur route ouverte un tant soit peu dégradée, sautillant dangereusement au gré des bosses et imperfections. Le compromis est nettement meilleur sur la dixième génération de Civic et cette amélioration est due à plusieurs facteurs.
D’un côté, la caisse est largement plus rigide, permettant de se concentrer sur la qualité de l’amortissement plutôt que sur la compensation d’un comportement de saucisse. De l’autre et pour encore plus jouir de cette liberté de mise au point, Honda a fait le choix de partir sur une suspension multi-bras à l’arrière qui va encore plus dans le bon sens !
L’agilité de la machine de manière générale et plus encore en mode +R est sidérante ! C’est un autre monde par rapport à ce que pouvait procurer l’ancienne version ou encore la Mégane R.S. Trophy. Ce dynamisme et l’impression que l’auto se jette de corde en corde est servi par une direction affutée, pas parfaite du fait de quelques remontées de couple liées à sa nature de traction, mais assurément riche d’informations quant à ce qu’il se passe au niveau des gommards et ne demandant que peu de mouvements et impulsions.
Surtout, l’auto ne sautille plus du tout sur le bosselé, absorbant les imperfections sans broncher, sautant uniquement là où la physique l’impose. Elle est bluffante, servie par ailleurs par un niveau de grip latéral vraiment violent. Les gommes ContiSportContact 6 n’y sont sûrement pas pour rien, bien aidées par le léger élargissement des pneus par rapport à l’ancienne mais tout de même, quelle vitesse !
Sur mes routes « habituelles », j’ai été obligé de redéfinir certaines vitesses de passage ou certains points de freinage ! La pédale centrale est d’ailleurs bien dosée, avec un pedal feel très agréable et constant au fil des kilomètres, une bonne réussite qui a toutefois un coût en températures normales et/ou humides avec des freins qui chantent littéralement quand on les effleure à des pressions usuelles.
J’ai aussi bien apprécié le talon-pointe automatique, qui évolue au fil des modes, se faisant discret voire inexistant en mode Confort, plus présent en Sport et vraiment rigolard en more +R ! Certains n’aiment pas ce genre de béquilles électroniques mais pour ma part, je ne sais pas faire de talon-pointe, je n’en ai jamais vraiment eu besoin, alors j’aime bien, tout simplement.
Avec un poids assez contenu, cette nouvelle Civic Type R va plus vite que tout ce que je connaissais sur le segment, plus vite aussi je pense que certaines autos dotées de quatre roues motrices et d’un peu plus de jus. Surtout, elle est motivante pour le conducteur, l’invitant à aller toujours plus vite, plus propre et plus loin, avec un comportement vraiment sain.
Elle n’est pour ainsi dire jamais sous-vireuse, étant par ailleurs clairement réglée pour une efficacité maximale. Son train arrière ne consent à pivoter que sur des entrées en courbe en étant encore fort sur les freins. Elle se cale alors sur ses gommes, le différentiel bien calé faisant le reste alors que le pied droit écrase de plus en plus la pédale de droite !
Le reste du temps, elle colle au bitume, jaillissant d’une courbe à l’autre. La direction est un régal quand le rythme augmente, précise et fine, très directe pour une assistée. Le rythme augmente toujours naturellement, « sans faire exprès », sans avoir l’impression de trop en faire non plus. Je crois que j’aimerais vraiment l’essayer sur circuit pour aller le plus loin possible dans son comportement. Les limites sont si lointaines.
Il ne lui manque qu’un peu plus de sonorité à l’échappement pour être encore plus séduisante ! Même en mode +R, l’absence d’exhausteur de son ou d’échappement actif jusqu’à l’extrême se fait sentir. Il y a sûrement un compromis à trouver chez Honda pour préserver l’utilisation au quotidien – réelle – et une nécessaire et manquante explosion de décibels dans le mode le plus extrême.
En somme, la nouvelle Honda Civic Type R corrige tous les défauts de la précédente génération, établissant une nouvelle référence sur le segment. Les futures SEAT Leon CUPRA ou Renault Megane R.S. ont vraiment beaucoup de pain sur la planche ! Les autres ? Elles risquent d’être bien larguées et auront à composer avec une consommation raisonnable : 11.2 l/100 sur mes 420 km d’essai.
Les deux actuelles références ont à mon sens d’autant plus de travail que si l’on excepte le style extérieur (auquel je me suis somme toute habitué à la fin du weekend), la nouvelle Civic Type R a écouté le marché en s’assagissant sans oublier sa nature de puriste. Avec un contenu technique et technologique à jour, elle se montre civilisée ou sauvage au gré de modes de conduite bien pensés, un vrai atout face notamment à une Leon CUPRA touche à tout.
Elle s’assagit d’un côté, mais se montre de l’autre encore plus engageante, plus perfectionnée et plus rapide. Rajoutons à cela un tarif de 38910€ pour l’unique version ultra équipée Type R GT et une naissance du modèle en temps et en heure et vous avez de sacrés arguments pour mettre de bonnes gifles à la concurrence.
Si l’ancienne génération était donc arrivée tardivement, générant moult frustrations, commentaires, rumeurs, moqueries aussi, la nouvelle Civic Type R est une manière pour le constructeur de remettre les compteurs à zéro et d’établir une nouvelle référence sur le segment.
Cela passe par une réelle maîtrise des ingrédients qui ont toujours fait le sel de ses déclinaisons sportives de la marque, des nécessaires qualités mécaniques d’une traction de 320 ch en 2017 et cette fois-ci sans oublier la nécessité de coller aux attentes plus complètes des acheteurs. Bref : c’est un exercice indubitablement réussi pour peu qu’on aime sa ligne !