Plus de deux ans que je n’avais pas mis mon séant dans un Audi TT, ayant lamentablement raté l’occasion d’essayer la version découvrable sortie entretemps. Il aura donc fallu que j’attende l’arrivée de la déclinaison « pétard à mèche courte » pour retrouver la silhouette si caractéristique du MkIII, dopée aux stéroïdes, sous la forme du nouveau TT RS Coupé et ma foi, quelles retrouvailles !
La bête a bien changé depuis mon essai du TT et du TT S, elle n’a pourtant connu aucun facelift mais s’est vu greffer un sacré bouilleur en son sein, à savoir le bloc 2.5L TFSI très revu et très corrigé, développant désormais 400 chevaux et 480 Nm. Contre toute attente, les cinq cylindres perdurent chez Audi et ils ont même le toupet de devenir de mieux en mieux.
Oui, la bête a changé, du côté des entrailles mais aussi à l’extérieur puisque le mot a été lâché : stéroïdes. La robe si élégante du TT dont je raffole se voit copieusement dopée, au point de ressembler à une petite R8 ! Marrant tiens, quand cette dernière a été annoncée, on disait que c’était un gros TT…
Il faut dire que la face avant pourrait presque faire illusion, même si elle est dans les faits bien différente. La calandre est tout aussi béante qu’avant mais passe au traitement nid d’abeilles, les prises d’air sont plus grandes et soulignées d’une bavette noire tandis qu’au centre du splitter frontal, on retrouve la mentionne optionnelle « quattro », juste au cas où on en aurait douté.
Le regard est toujours acéré et passe au Matrix OLED. On y voit de nuit comme en plein jours, sans jamais éblouir celles et ceux arrivant en sens inverse. On n’oubliera pas enfin le « RS » trônant à côté de l’habituel logo TT, RennSport. Il va y avoir du sport, semble annoncer (ou gueuler) cette face avant de bouffeuse de bitume !
Les flancs et le profil se font tout autant remarquer avec des bas de caisse rendus plus proéminents, de superbes rétroviseurs en carbone (tellement beaux, j’ai dit qu’ils étaient beaux ?) et des roues en monte optionnelle à 20 » elles-aussi de toute beauté avec leur moyeu noir vraiment réussi. En revanche, va falloir éviter de regarder les trottoirs, les cordes et toute chose un tant soit peu protubérante tant elles ne sont pas protégées par les lèvres des P Zero qui les enrobent.
A l’arrière enfin, même combat avec l’adjonction de la traditionnelle double (et énorme) sortie d’échappement mais aussi d’un aileron joliment intégré à la ligne mais néanmoins protubérant et immanquable. Bref : vous ne passerez pas inaperçu et l’élégance racée du TT de base a disparu auprès d’une musculature exubérante. On n’en attendait de toute façon pas vraiment moins du TT RS !
Il me reste un peu de temps pour parler couleur… Alors, ce gris Nardo, ou gris ciment ciré, ou antirouille, vous aimez ? Je suis pour ma part un peu perplexe, assez convaincu par le contraste qu’il procure avec le noir des autres éléments et vitres. Dans le même temps, je trouve ça terriblement fade et je crois bien que c’est le sentiment général autour de moi, que ce soit collègues ou proches, pendant l’essai.
Avant d’allumer la mèche, je m’installe à bord pour constater l’étendue des modifications. L’habitacle est toujours aussi clinique, épuré, parfaitement assemblé et fini. Impossible, que l’on aime ou non ce style dépouillé, de ne pas être admiratif ou respectueux du travail accompli par Audi sur ses habitacles.
C’était déjà vrai pour les derniers modèles essayés et notamment par le TT dont j’aime beaucoup le parti pris de supprimer tous les écrans sauf le Virtual Cockpit. C’est encore plus vrai dans sa déclinaison TT RS qui ne souffre pour ainsi dire d’aucun reproche ! Là où le TT faisait déjà montre d’excellence, le TT RS enfonce le clou, tout simplement.
On note en s’installant les splendides baquets coques au cuir surpiqué et perforé du plus bel effet. Le carbone pare les poignées de porte et surtout la console centrale. C’est beau et surtout parfaitement intégré dans le reste de la finition.
On découvre ensuite le nouveau volant, très ressemblant à ce que l’on avait déjà vu sur la R8 justement ! Le bouton start/stop se trouve désormais sous le pouce droit tandis que le sélecteur de mode de conduite est lui sous le pouce gauche. Le reste des commandes est usuel, avec de quoi manipuler le Virtual Cockpit. L’alcantara a également fait son apparition dans la zone centrale du volant, au bon endroit en somme. Bref : c’est parfait en ce qui me concerne.
On ne va pas en dire autant du levier de commande de boîte, portant certes le blason RS et un zeste d’alcantara mais il n’en demeure pas moins trop grand et surtout dans le mauvais sens ! Pour monter un rapport, pousser vers l’avant de la voiture, pour descendre, tirer vers l’arrière. Sur une voiture normale, c’est nul mais soit. En revanche, sur une « RS », c’est une belle faute de goût. Dommage, même si dans les faits, on utilise en général les palettes au volant.
Pour le reste, c’est du classique, avec du très bon comme le Virtual Cockpit, un compartiment pour le téléphone, le bouton magique pour l’échappement Standard/Sport ou les buses d’aération à triple fonction si joliment dessinés.
Il y a aussi du moins bon avec les places arrière que Audi a choisi de conserver dans le TT RS mais qui ne servent strictement à rien sauf à vouloir y mettre un adulte qu’on déteste ou des enfants vraiment très petits…
Pourquoi ne pas avoir réellement chassé le poids et retiré cette chose inutile et pesante ? Cela aurait fait un superbe coffre à remplir pour aller en track day… et puis ce serait pas mal un jour d’avoir une compatibilité CarPlay. Un jour…
Moteur. La voiture était configurée en Individual avec l’ensemble châssis / direction / échappement en Sport, tandis que l’ensemble moteur/boîte était en auto, détectant et s’adaptant à ma conduite du moment. Ce fut mon mode d’utilisation principal pendant le weekend et c’est je pense un excellent compromis, surtout que je n’ai pas vraiment perçu de grande différence avec le mode Confort.
Soyons clairs de ce point de vue, l’Audi TT RS est plutôt typé « planche de bois » qu’autre chose. La suspension est toujours un brin raide et sèche, y compris en mode Confort. Alors pourquoi se coltiner la direction horriblement légère et assistée de ce mode si on y gagne pas tant que ça en survie des lombaires ? Aucune raison, c’est bien ça.
Donc voilà : j’ai utilisé le mode Dynamic quand j’étais énervé et le mode Individual pour le reste du temps, basculant ici ou là le levier sur le mode manuel de la boîte et appuyant au gré des apparitions bleutées sur le petit bouton magique de l’échappement. Car oui, l’échappement est tellement sonore qu’il attire la couleur bleue. Méfiance, donc.
J’ai dit « moteur » et j’ai parlé de tout sauf du moulin ? Oui. C’est mal parce que c’est vraiment la pièce maîtresse de cette auto ! Le nouveau bloc 5 cylindres cube toujours 2.5L et est vraiment énervé. La puissance maximale est atteinte à 5850 tr/min et le couple dès 1700 tr/min mais il s’excite encore en haut des tours, jusqu’à un bon 7000 tr/min. La rage est bien présente dans ce moteur, servie qui plus est par l’affichage qui vire à l’orange et au rouge bien visible sans que l’on quitte des yeux la route au moment de claquer le rapport avant le rupteur !
Vraiment, au delà de ses borborygmes presque caricaturaux au démarrage, j’ai été bluffé par le coffre de ce moteur (et par une consommation somme toute raisonnable de 12.4 l/100 sur mes 430 km d’essai). Quel que soit le rapport engagé et quelle que soit la vitesse, le TT RS s’arrache du trafic usuel pour se catapulter dans un autre monde, soit dans un grondement hargneux, soit dans un hurlement proprement rageur et ponctué des coups de fusil que génère la boîte S tronic ! Bon point en revanche, les pétarades ne sont pas légion au lever de pied, cela aurait été de trop et ça n’apparaît que quand on est « vraiment » énervé.
Avec ce nouveau bloc, les mises en vitesse sont donc de type TGV. Le 0-100 est annoncé comme claqué en 3″7. Je n’ai pas mesuré ni utilisé de launch control mais on m’a quand même dit « ça va aussi vite que la McLaren, non ? » … c’est dire ! Oui, ce TT RS a tout bonnement des performances de supercar dans la robe d’un joli petit coupé.
Après, faire un moteur de feu qui se comporte comme un gros pétard, couplé à une boîte d’excellente facture et avec un poids à peu près contenu (1515 kg tout de même, le quattro pèse lourd et le carbone n’est pas utilisé dans cette auto), c’est dira-t-on assez facile quand on s’appelle Audi même s’il faut saluer la chose. Le vrai challenge quand on sort une auto comme le TT RS, c’est de la rendre excitante à conduire.
Est-ce le cas ? Partiellement. Le châssis est assurément bien né, tout comme la suspension qui gomme généralement bien les imperfections de la route mais se montre sautillante sur les routes les plus dégradées et tape parfois les butées. Les freins ne m’ont pas lâché pendant mon essai mais je n’étais pas dans les pires conditions et je me suis laissé dire qu’ils étaient un peu juste sur la RS3. Sont-ce les mêmes ? Pas vérifié.
Du côté du quattro, le typage des TT et TT S se retrouve ici avec une relative neutralité de comportement, qui sait toutefois donner un peu de mobilité au train arrière quand on le provoque et que l’on souhaite tout simplement écraser l’accélérateur en milieu de virage ! Ce n’est bien sûr pas une propulsion et le différentiel Haldex ne vous fera pas faire ni ne vous laissera faire de virgules en limitant la puissance à 50% sur le train arrière mais le système gère plutôt bien les transitions sous-virage / légère dérive pour arriver à des vitesses en sorties de courbes complètement illégales.
Tout ça n’est donc pas parfait avec toujours une réelle propension au sous-virage, sans commune mesure toutefois avec l’enclume que pouvait être l’ancienne génération de RS3 / TT RS ! Cela va beaucoup mieux, on n’a plus peur de perdre le train avant en milieu de courbe et surtout, la bascule entre les deux essieux est sans commune mesure, avec le pilotage de la suspension pour aider également à la charge des roues extérieures.
Non, ce qui me chiffonne vraiment, c’est la direction. En mode dynamic, je la trouve encore trop assistée et souple, manquant de précision et de sensations. Le toucher de route n’est pas tangible, réel, fin. Il manque quelque chose. Est-ce l’assistance électrique ? Non, j’en ai essayé d’autres sans problème. Est-ce le quattro ? Non, j’ai déjà essayé des quatre roues motrices avec plus de toucher. Il faut aussi dire que je sortais de mon essai de la nouvelle Civic Type R, qui s’avère être une référence en terme de feeling de direction…
Du coup, cela n’a pas aidé le TT RS mais quand bien même, quand une auto est capable de telles vitesses en ligne droite mais aussi et surtout en courbes, elle se doit d’offrir une vraie confiance quant à ce qui se passe au niveau du train avant et c’est ce qui m’a manqué, m’empêchant de me sentir complètement en confiance au moment d’attaquer sec les enchaînements de courbes et freinages.
J’ai été un brin déformé une semaine auparavant en essayant une puriste et cela vient un peu tempérer l’enthousiasme pourtant mérité que devrait générer l’essai de ce nouveau TT RS. Je crois que j’attendais un peu moins de compromission sur ce modèle RennSport, il y en a encore trop à mon goût. Si cela est assurément normal et acceptable sur les versions S plus orientées vers le grand public, c’est plus dommageable sur les modèles extrêmes, qui se vendront de toute façon très bien même en étant plus orientés vers le pur plaisir de pilotage.
Attention, je ne dis pas que l’Audi TT RS doit devenir un bête inconduisible au quotidien, bien au contraire. En revanche, il existe encore une marge de progression pour la marque, surtout quand on voit ce que sait désormais faire Honda et que fera sûrement Renault sur leurs nouvelles Civic et Megane. Le TT RS, avec son moteur qu’on ne peut qu’adorer et son look splendide, mérite ce petit supplément d’âme et de pureté quant au pilotage, sans perdre de sa capacité à rouler au quotidien.
Pour cela, la recette est simple : rendre le confortable réellement confortable et le dynamic, dynamique et pur ! D’autres le font, alors pourquoi pas Audi ? Il y a désormais largement assez d’historique, de légitimité et de matière dans la gamme pour pousser le bouchon un peu plus loin et sortir des autos qui, au delà d’être des mètres étalons en terme de finition, de méticulosité, de technologie et d’une certaine définition de la performance, seraient aussi des références en terme d’engagement du conducteur.
Allez, encore un petit effort… ! Ce moteur, cette ligne et cet habitacle méritent ce petit plus qui ne fera sûrement pas diminuer les ventes de modèles de toute façon confidentiels mais assoira en revanche l’image de la marque dans le domaine des puristes où elle peine encore à convaincre malgré une polyvalence réelle et un niveau de performances stratosphérique. Points de compromis, le badge RS mérite d’être fou et débridé !